Short People, une création de la compagnie Vilcanota à la Cour des 3 Coquins. Une merveille de vitalité !

Short People, une création de la compagnie Vilcanota à la Cour des 3 Coquins. Une merveille de vitalité !

J’adore prendre des baffes. Artistiques. J’adore qu’un spectacle ferme mon clapet et me donne envie d’écrire. C’est ce qui s’est passé cet après-midi à la Cour des 3 coquins qui présentait ce week-end sous la forme ingénieuse de parcours plusieurs spectacles créés, en cours de création ou à venir. Voyage artistique qui s’est achevé pour moi aujourd’hui par Short People chorégraphié par Bruno Pradet.

Spoiler : je me suis régalée.

Une corde délimite le plateau, en l’occurrence scène goudronnée de la cour intérieure, dans un angle, un tas de vêtements. Cinq danseurs jaillissent, ils se saisissent l’un, d’une robe, l’autre d’une veste, chemise, manteau et à la première pulsation de musique, une union se forme. Pulsation et battement et halètement, cri, sourire, regards, tout fait rythme, oui, les paupières, les genoux, les oreilles dansent et la musique hypnotique de Yoann Sanson et Mr Spoon, rythme binaire, marque le tempo suffisant pour créer une communauté de destin pour les cinq personnages dont l’odyssée pulsionnelle vient chercher nos propres battements.

La danse contemporaine est là dans son immédiateté, dans son rapport au vivant, tout comme j’aime, les corps nous communiquent le battement au ventre et la musique vient circuler dans nos propres corps.

Pourquoi ? Comment ? Où ça ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Je répondrai bien : on s’en fout, mais je ne veux pas être malpolie. Sémantiser ou intellectualiser l’art contemporain par des évocations obscures ce n’est pas mon espace d’écriture, ce que ce spectacle veut dire ? Rien. Ou plutôt l’inverse. Tout.

La chair des spectateurs est prise dans une générosité à l’énergie palpitante, les visages sourient et s’absentent accordés dans un expressionnisme radical, la tribu de danseurs évolue en ligne, en grappe, en se croisant, se portant, se tenant. La composition chorégraphique dessine le récit d’un mouvement collectif qui donne à l’individu son propre langage et la possibilité d’interpréter une danse commune. L’équilibre du groupe tient à la singularité des êtres, marquée notamment par le travail de la costumière, Rozenn Lamand, à la fois simple, subtil et d’une grande efficacité. Pas de surcharge, pas de surlignement juste la célébration d’être là, d’exister, de pouvoir respirer, prendre son souffle et vivre, vivre. Seul et accompagné.

La simplicité n’empêche ni la profondeur ni la complexité. Les spectacles de groupes peuvent paraître faciles à générer de la force, c’est faux, parfois, ils sont d’une mollesse consternante, laborieux dans leur désir d’actualiser vraiment un geste collectif. Danser ensemble est insuffisant. Les cinq danseurs, les Short people, eux, génèrent une véritable puissance vitale. Sans aucun effet de lumière, sans aucune théâtralité ajoutée, sans rien si ce n’est leur propre corps, ils n’ont pas le choix de danser, danser vraiment, vraiment, vraiment et c’est cette sincérité qui crée toute la profondeur de cette proposition esthétique.

Ce qui m’a plu dans ce spectacle qui pulse sans véritable repos, c’est la cessation du bavardage et des faux-semblant, le choix des short people, c’est le silence vrai, le silence dansé en musique qui ne dit rien d’autre que son propre battement. Parfois danser ne veut rien dire, parce que danser c’est être là, seul, avec les autres, c’est sentir sa jambe aller là, sa main ici, son buste comme ça et la tête tournée vers soi ou le ciel, toucher un bras, tenir une main, sentir le choc du sol sous la semelle. Pendant 30 minutes, les corps sont à peine immobiles qu’ils doivent reprendre la route dans un élan joyeux et nécessaire qui n’a rien à dire d’autre que : Vite, vite, il est question de vie ou de mort, ils choisissent la vie et je suis bien d’accord avec eux.

En somme, guettez ce spectacle, programmez le, allez le voir, aucun spectateur ne peut échapper à sa joie sincère, au gain de vitalité aussi contagieux que le rire d’un enfant. Voilà.

Comme lors d’un rite mystérieux, la pulsation s’endort, les danseurs quittent le plateau avec le tas de vêtements portés au dessus de leur tête. Les corps marchent, solennels de rien du tout, peut-être épuisés, cicatrices sur le corps de celui-là, trace du temps, sueur qui tombe au sol, muscle tendu, pas comptés, ensemble, ils portent une charge partagée, et, j’ai un regret, un regret capricieux, peut-être une infime tristesse, bientôt le battement musical va cesser et bien sûr, je vais applaudir, mais les corps auront cesser de danser.

dalie Farah

Chorégraphie : Bruno Pradet

Interprétation : Christophe Brombin, Céline Debyser, Jules Leduc, Thomas Regnier, Loriane Wagner

(danseur en alternance : Pascal Beugré-Tellier, Bi-Jia Yang)

Création sonore : Yoann Sanson et Mr Spoon

Costumes : Rozenn Lamand

Production : Association Vilcanota

Remerciements : Office culturel d’Alenya (66), La Comédie – Scène nationale de Clermont-Ferrand (63)

Soutiens à la diffusion à « Villeneuve en Scène » : SPEDIDAM, Occitanie en Scène

Programme de la cour des 3 coquins

Cour des Trois Coquins 2025-2026

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